Coco comme Chanel, June comme Carter.

Basée à Leipzig depuis une dizaine d’années (elle se prépare à emménager à Berlin), June Cocó a voulu porter ses influences culturelles dans son nom de scène. Fascinée par la France et les Etats-Unis, l’artiste allemande a appris à parler le français et l’anglais à l’école, et ne s’en est jamais défait. L’amour qu’elle porte pour ces cultures différentes, sa musique le reflète aussi – autant dans ses propres créations, anglophones pour la plupart, que dans ses reprises francophones.

En 2020, la musicienne publie une cover de Métamorphoses, un morceau du duo parisien Ravages, formé par Simon Beaudoux et Martin Chourrout. Dans sa version, elle réimagine la chanson électro en ballade menée au piano. En réponse, le tandem reprend à son tour l’un des titres de la chanteuse, Heavy Heart. Ces métamorphoses musicales inspirent alors à June Cocó la réédition de son dernier album Fantasies & Fine Lines (sorti en 2019 en Allemagne, en 2021 ailleurs) avec davantage d’artistes, à qui elle donne la liberté de réinterpréter ses morceaux, parfois en collaboration. En 2021, sort cet album de “remixes”, naturellement intitulé Métamorphoses.

Alors qu’elle avance à grands pas dans l’élaboration de son prochain disque (qu’elle est déjà bien impatiente de partager), June Cocó a tenu à donner toute son importance à l’un de ses plus grands succès : Neptune’s Daughter. La chanson a désormais droit à un clip, dessiné et animé par Nadège Jankowicz (à découvrir à la fin de cet article).

Neptune’s Daughter évoque évidemment le mythe romain. Mais pourquoi Neptune ? Qu’est-ce qui vous a inspirée ?

En fait, l’élément Eau a toujours été très important pour moi. Mon signe astrologique est Verseau ! (rires). A l’époque où j’ai écrit Neptune’s Daughter, je cherchais un moyen de me calmer, d’être moins stressée et de retrouver ma liberté dans la nature. Et chaque fois que j’allais nager dans le lac – même en hiver, je fais du jogging et je me baigne après, même s’il fait très froid (rires) –, je sautais dans l’eau, et d’un coup, mes idées s’éclaircissaient. Et de l’action de plongée vient cette idée d’un monde parallèle. Je suis une grande rêveuse. Tous ces mythes et contes de fées m’inspirent beaucoup, et j’ai donc eu cette phrase en tête (en chantant) : “I’m going to live forever underwater.” Le début de la chanson, donc. Parfois c’est ce qui m’arrive : la musique et les paroles me viennent à la fois.

Donc d’un côté, je cherchais du calme et de la clarté, et de l’autre, c’était à une époque où j’avais décidé de me lancer et d’aller à Berlin – j’habite à Leipzig depuis 10 ans – pour rencontrer des musicien·ne·s, en mode : “Bonjour, travaillons ensemble !” Et j’ai mis cette énergie dans Neptune’s Daughter. L’impulsion de commencer quelque chose de nouveau. Donc… les nouveaux départs, c’était la deuxième inspiration pour la chanson.

Tout cela s’est passé avant la pandémie. Puis en 2021, vous avez sorti une nouvelle version de l’ensemble de votre disque. Est-ce que c’est cette situation qui vous a poussée à le faire ?

En réalité, c’était déjà prévu, mais le confinement m’a donné le temps qu’il fallait pour travailler sur ça. Comme ce qui s’est passé avec Métamorphoses et Ravages, et aussi la reprise de Neptune’s Daughter.

Pour la nouvelle version de Neptune’s Daughter, j’ai travaillé avec une harpiste qui s’appelle Arden. En fait, on avait joué ensemble dans des concerts auparavant et on prévoyait de remettre ça en interprétant cette chanson ensemble sur scène. Mais on n’a évidemment pas pu le faire. Et donc, on a finalement enregistré cette version, et c’était très thérapeutique de le faire, d’une certaine manière.

Qu’est-ce que ça fait de revenir vers quelque chose que vous avez écrit il y a quelque temps et de le retravailler ?

Et bien… Ce n’était pas il y a si longtemps que ça, ce n’était qu’un an après.

Mais en un an, tellement de choses avaient changé dans le monde. Avoir cette nouvelle perspective a-t-il eu un impact quelconque, surtout sur une chanson qui est déjà une invitation à s’échapper et oublier un peu la réalité ?

Comme tout le monde, avec la pandémie, j’ai eu le temps de prendre encore plus conscience de ce qui compte vraiment dans la vie : les gens qui m’entourent qui sont très importants, les amis proches, et la nature. Et dans tout l’album Fantasies & Fine Lines, la nature est omniprésente. Le disque est vraiment une sorte d’ode à sa beauté de la nature, des montagnes, et tout. Et pendant toute cette période “corona”, la nature a été comme mon petit trésor (rires). J’allais dans la nature autant que possible. Donc cette connexion est devenue encore plus forte, en plus de l’envie de calme et d’apaisement.

À la sortie du clip, vous avez choisi de mettre en avant par la même occasion l’organisation caritative Viva con Agua (qui œuvre pour améliorer l’accessibilité à l’eau potable), pourquoi ?

C’est une organisation allemande qui fait des projets très sympas. Pour nous, avoir de l’eau disponible à l’usage peut nous sembler comme une chose ordinaire, mais il n’y a pas d’eau potable partout dans le monde. Viva con Agua soutient la recherche et les projets, par exemple la collecte d’eau dans les nuages, etc.

Et vous savez, cette chanson était déjà sortie, mais c’était mon souhait d’avoir un clip pour elle, et je voulais l’utiliser comme une opportunité pour parler de l’importance de l’eau. Il y a tellement de gaspillage d’eau dans le monde, de plastique dans les océans… Je voulais contribuer à la sensibilisation autour de ces questions.

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Est-ce que vous vous voyez faire des chansons engagées dans le futur ?

Je n’ai jamais fait ça avant, je n’ai jamais été “politique” parce que je ne suis pas vraiment ce genre d’artistes… du moins, pour le moment. (rires) Je pense que c’est très important, quand on a un message, de le communiquer. C’est une question que je me pose depuis un moment. J’ai des opinions, et bien sûr je veux les partager, et peut-être faire quelque chose car il y a tellement de mauvaises choses qui se passent dans le monde. Mais je pense que mon rôle, pour l’instant, est plutôt d’inviter les gens à rêver à travers ma musique. Je suis ce genre-là d’artistes. Et ce que j’essaie de communiquer, c’est l’importance d’être plus attentionné·e·s, plus gentil·le·s et plus tendres les un·e·s envers les autres, et de nous respecter entre nous.

J’ai l’impression que, dernièrement, c’est une question qui s’est posée pour beaucoup d’artistes qui, avant la pandémie, n’avaient pas l’habitude de s’exprimer sur des sujets jugés “politiques” (qui sont pour la plupart, en fin de compte, juste des choses de la vie), mais qui ont maintenant l’impression qu’iels peuvent, et doivent dans certains cas, dire quelque chose.

Oui. Comme le female empowerment. Il y a beaucoup de choses qui se passent. Justement, j’ai eu une discussion aujourd’hui (cette interview a été réalisée début juillet 2021, ndlr) avec quelqu’un que j’ai croisé en randonnée. Et le gars me disait : “Oh, c’est partout dans l’actualité. C’est trop.” Et je pense que ça doit être partout dans les infos pour créer une prise de conscience qu’il y a quelque chose qui ne va pas.

C’était en référence à quel sujet en particulier dans l’actualité ?

On était en train de parler de l’égalité entre femmes et hommes et du female empowerment dans le secteur de la musique en particulier. En Allemagne, il y a ce festival de rock qui s’appelle Rock am Ring – il est très important chez nous – et d’autres festivals. Et il y avait ce chiffre qui circulait… seulement 7% des artistes dans la programmation sont des femmes. Il y a donc eu un grand scandale. Ce n’était qu’un détail du tout, mais c’était aux infos.

Il est important de donner au sujet de la visibilité, d’en parler. Certaines personnes disaient : “Oh, mais il n’y a pas de groupes de rock féminins.” Mais il y en a. Bien sûr, il n’y a pas beaucoup de batteuses ou de guitaristes, parce que justement on a besoin de modèles pour que les enfants, en les voyant, aient ce sentiment de “je veux faire la même chose !”. Et si personne ne donne l’exemple, surtout les grands festivals qui peuvent avoir cet impact, qui d’autre va le faire ?

Plus tôt, vous avez mentionné le gaspillage d’eau et l’abondance de déchets plastiques dans les océans. L’environnement et le changement climatique en particulier sont-ils des sujets sur lesquels vous souhaitez vous exprimer ? Pas forcément en chanson.

En fait, dans mes nouvelles chansons- (rires) je n’ai pas pu m’empêcher d’écrire sur ces choses-là ! Je ne pointe pas du doigt une personne en particulier, mais je m’interroge en général sur ce que nous faisons en tant qu’êtres humains. Il y a tant de choses qui ne vont pas. Nous pillons tellement de nos trésors et de nos ressources que nous n’en aurons plus assez pour bien vivre à l’avenir. Pour moi, la nature, l’air frais et une température agréable sont aujourd’hui un luxe. Et tout va continuer à changer : le temps, les montagnes… Il y a de nouvelles maladies qui apparaissent. Pourtant, nous nous comportons comme s’il n’y avait pas de conséquences à nos actions. Ou plutôt, les politiques et les décisionnaires agissent ainsi. J’ai des sentiments forts à ce sujet, donc cela influence mes paroles et ma musique. Dans une chanson, je m’interroge même “suis-je humaine ?” et “qu’est-ce qu’être humain ?” !

Et comment allez-vous concilier votre souhait de continuer à produire de la musique joyeuse et des textes qui traitent de ce genre de sujets… qui ne sont pas joyeux ?

Ce n’est pas une contradiction à mon sens. On peut mettre un thème sérieux dans les paroles et avoir un paysage sonore joyeux. Comme les deux faces d’une pièce de monnaie. J’adore les chansons comme ça. Par exemple, l’album de Lou Reed New York. Il est très politique. Il y critique l’Amérique, mais c’est fait d’une manière tellement drôle ! Ça sonne léger, mais les paroles sont profondes. C’est un maître, et j’espère peut-être qu’un jour, je pourrai arriver à faire ça aussi et à raconter mes histoires avec des paroles d’une telle qualité. Mais oui, je pense que c’est bien de combiner les deux choses. La musique a le pouvoir de faire ça. Et je reste une optimiste qui aime créer de la musique réconfortante.

Fantasies & Fine Lines et Métamorphoses de June Cocó / Flashback Records